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15 juin 2010 2 15 /06 /juin /2010 19:25

IMGP2794

Le tiroir est pernicieux. Nous fait croire qu'enfin, chaque chose aura sa place et sera toujours disponible. Sous son empire on croit que la façade et le fonds communiquent en belle harmonie, et qu'à chaque contenant on peut promettre son contenu (et vice-versa). Le tiroir nous hypnotise et nous trompe, et nous voilà, benêts, à  considérer que quand on veut quelque chose, il suffit de tirer sur la poignée, de faire coulisser.  

Or, sitôt qu'une chose est glissée dans le tiroir en haut à droite, elle disparaît pendant de longs mois, pendant lesquels on fait péniblement son deuil, pour réapparaître un beau matin dans le tiroir en bas à gauche.

Que faire, alors? Tout mettre sur la table.

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12 juin 2010 6 12 /06 /juin /2010 15:05

 

IMGP2659

         "Plus les télescopes seront parfaits, et plus les étoiles seront nombreuses."

Gustave Flaubert* 

Le monde est flou. Cela, nous ne le supportons pas. Nous cherchons à tout prix que les contours en soient nets. De plus en plus nets. Nous échouons, bien sûr, dans cette recherche d'acuité. Nous échouons et nous enrageons. Nous enrichissons nos images de milliards de pixels que nos yeux ne sauraient voir. Nous perfectionnons nos prothèses. Mais rien n'y fait, le monde est flou, et bien peu d'entre nous ont la sagesse, la fatigue, d'abandonner.

Certains (des fous?) se contraignent à multiplier les points de vue, dans le seul but de mesurer combien tous sont empêchés.

 

* La citation de Flaubert est repiquée au très stimulant livre d'Eric Sadin, Surveillance globale - la documentation continue sur mon projet Simple Appareil, pour ceux d'entre vous qui se souviennent encore de Nathalie Pages )

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6 juin 2010 7 06 /06 /juin /2010 22:44

 

HPIM5768

Laver son linge sale en famille : un précepte fondamental. Le socle, en quelque sorte, de notre société patriarcale.

La laverie automatique est la seule concession à ce commandement sacré. Un sorte de maison close du lavage de linge, honteuse mais tolérée pour l'hygiène.

On y rentre, on éprouve de suite ce déplacement forcé des notions de familiarité et de pudeur. Côte à côte en remplissant les machines, on fait semblant de s'ignorer. Au même moment, on s'éprouve, fragile.

Sur un banc mal calé, on regarde ensemble, et pourtant séparés, les mouvements rotatifs, hypnotiques, des tambours de sèche-linge, inexorables, infiniment fatigants. On guette celui qui s'arrêtera en premier. On contemple l'écroulement subi du linge, enfin libéré de la roue sempiternelle. Le soulagement que ça fait, quand ce bruit chaud s'arrête...

Et puis on remballe, on s'en va, on s'oublie. Ne reste que le souvenir d'une famille éphémère dans laquelle le linge fut lavé. Ne reste que la fraternité.

Alors, à quand les machines à laver dans la rue?  Que la fraternité ne parte pas au rebut...

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3 juin 2010 4 03 /06 /juin /2010 15:04

IMGP2133

Nous sommes comptables de notre énergie. Nous savons calculer exactement ce qu'il nous en faut dépenser.

Nous passons beaucoup de temps à des réglages infimes, cherchant le climat adéquat pour perdurer. 

Mais peut-être est-ce cette parcimonie qui finit par nous ruiner.

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28 mai 2010 5 28 /05 /mai /2010 18:57

 

IMGP1990

 

Il y aurait bien, parfois, dans l'idée d'écrire, une tentation de ménagère : faire disparaître la crasse du monde. Le texte fait éponge : frotté au réel, il s'imprègne, absorbe tout ce qui est dégueulasse. Le jus qui sort quand on essore, ce n'est pas très ragoûtant, mais au moins on a la satisfaction du travail bien fait. Les épanchements, les bavures, les impuretés, tout ça retiré, écoulé dans un récipient prévu à cet effet.

La ménagère sait bien, de plus, que son travail n'est jamais définitif, et que demain encore, il faudra accepter de passer l'éponge.

 

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26 mai 2010 3 26 /05 /mai /2010 13:15

 

IMGP2102

 

Le chien, comme l'homme, a besoin qu'on le désennuie. A moins que ce soit l'homme qui projette sur le chien. Toujours est-il : dans cette relation complexe de l'homme et du chien, intervient rapidement, comme dans toute autre relation qu'instaure l'homme avec ses semblables (oui, je me suis relue), un objet. Un objet, c'est-à-dire le support matériel du divertissement.

Le divertissement, autrement appelé os à ronger, se comporte ici comme une baballe à double rebond. L'ennui de l'homme se dissout dans le soin du chien, celui, réel ou supposé, du chien, se dissout dans l'os à ronger. Ou dans la balle.

Il y a bien sûr une différence entre un os et une balle. Les deux se prennent dans la gueule (du chien), mais avec l'os, le chien se suffit à lui-même, alors qu'avec la balle il a besoin du maître.

Le maître préfère la balle. Car avec l'os, son propre problème d'ennui reste entier : le chien occupé n'a plus ni yeux ni dents pour l'homme.

Le maître préfère la balle, car il aime projeter. Il aime projeter, mais il aime aussi que ça rapporte (want my money back).

Or, nous vivons une époque où métaphysiquement parlant, les chiens sont fatigués.

C'est pourquoi l'homme a fabriqué, au cours d'un lent processus d'hybridation et d'innovation technologique, cet os à ranger projetable et au retour entièrement garanti : l'idée même du divertissement rentable.

L'autre, qu'il soit homme ou chien, n'est plus tout à fait nécessaire pour supporter de vivre. Contre l'ennui, il y a désormais cet objet aux formes à la fois suggestives (promesse de plaisir? fécondité?) et aporétiques.

Pour me convaincre de la justesse du raisonnement, j'ai tapé "boomerang" dans la petite fenêtre du haut : premier résultat, boomerang.tv, ou comment désennuyer les enfants sans avoir besoin d'investir dans tout ce qu'une relation peut avoir de fastidieux. Réjouissons-nous.

 

L'objet présenté ici provient de la très riche collection d'os pour chien de Joëlle Gonthier, artiste plasticienne qui entre autres nombreuses choses sillonne la France avec une immense valise bourrée d'os pour chien (et autres surprises), pour explorer dans des conférences publiques la question du rapport à autrui, de l'abstraction, et de l'art... Merci à elle pour le prêt et son autorisation à développer à partir de cet objet beaucoup moins anecdotique qu'il n'y parait, mes propres projections.

Ici son site sur un autre projet, la Grande Lessive. Bref, allez-y voir.

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21 mai 2010 5 21 /05 /mai /2010 15:19

IMGP1724

Jeter les gants, c'est le contraire de jeter l'éponge. C'est prendre le risque de se salir, de manipuler sans l'excuse d'un intermédiaire. C'est se jeter soi-même dans le travail : explication, sans doute, de la maigreur des textes jetés ici. Le chantier se construit pour l'instant sans regard.

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18 mai 2010 2 18 /05 /mai /2010 22:34

IMGP2155

 

Nous disposons d'un fier bateau. Grand, robuste, faisant son effet. Mais il est peu manoeuvrable, si bien qu'on renonce au bout d'un temps à sortir du port.  Alors, au soir tombé on se glisse dans l'annexe. Vues de là toutes les vagues sont plus hautes.

Et tant pis si on se retrouve en bain de pied dans l'eau croupie. A la rame, on a vite l'impression d'être allé très loin.

 

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16 mai 2010 7 16 /05 /mai /2010 21:52

 

IMGP2259

 

J'ai passé trois jours sous le vent, dans la lumière. 

J'ai vu le brise-lames. Quand on y est, on voit bien que ce qui résiste ce n'est pas le rempart, mais les plis et les trouées. Dans les brèches la vague s'engouffre et oublie sa fureur, d'être ainsi libérée quand elle ne s'y attendait pas.

J'ai vu le Brizlam, sa belle revisitation en mots et papiers de Juliette Mezenc et Stéphane Gantelet. Appris grâce à eux la fragilité de tous les grands ouvrages, et que les calmes blocs ne font pas que choir d'un désastre obscur, ils peuvent aussi s'envoler.

Et puis voilà, j'ai fait comme les blocs, je suis tombée moi aussi, en amitié, et cela fait que ce soir tout s'envole.

 

 

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12 mai 2010 3 12 /05 /mai /2010 07:05

 

IMGP1986

 

Faite pour servir, vissée à l'établi.

On n'a jamais constaté en elle la moindre défaillance. Elle est vieille, d'accord, mais une neuve ferait-elle mieux le boulot?

Est-ce qu'on aurait raison, maintenant, de lui reprocher d'être trop lourde?

Est-ce qu'on aurait raison, maintenant, de lui reprocher d'être dure?

Faite pour servir, vissée à l'établi. 

 

Cette enclume en guise de salut aux 118 salariés de l'usine des Produits Céramiques de Touraine, à Selles-sur-Cher. Voir ici un autre billet que j'avais consacré à cette usine.

 

 

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