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11 mai 2011 3 11 /05 /mai /2011 09:16

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Dans cette maison, il y a des endroits sombres, qu'aucune électricité ne vient encore révéler. Bien sûr on peut y pénétrer à la lampe torche, découper des morceaux de réel dans tout ce noir accumulé. On voit alors des dizaines de bouteilles jonchées, remplies encore, pour certaines, d'un liquide épais. Ou bien, dans cet autre endroit, au sol, sous les pieds, une trappe, et sous la trappe aucun escalier, le vide. Mais le faisceau n'abolit pas l'ombre, et quand on sort, qu'on referme la porte, le noir envahit tout l'espace derrière, derrière la porte, mais derrière la tête aussi. On retrouve ces sensations d'enfance, tout ce peuple du noir prêt à surgir derrière n'importe quelle porte inhabitée, cave ou placard à chaussures. Et c'est comme s'il reprenait sa place, le sombre. Sa vraie place impossible à coloniser, juste à côté, contigue à notre propre monde. Et entre nous seulement cette mince porte, et l'iilusion de pouvoir la maintenir réellement fermée.

Cette mince porte, on la pousse toutes les nuits, pour y explorer quoi? Nous en revenons chaque matin aveugle et sourd, seulement peuplé d'indices, et d'une peur sans origine. Alors, on s'étourdit de travail, de lumière, on civilise avec ardeur les pièces à fenêtres.

 

Si vous voulez pousser la porte éveillés, il y a bien ça qui peut servir de pied de biche, le texte que j'ai écrit en janvier 2010, chez Publie.net, et qui vient d'être réédité, en version augmentée, en epub, de quelques textes chuchotés : Saphir Antalgos, travaux de terrassement du rêve,  (et merci à François Bon pour l'occasion donnée de cette nouvelle version).

 

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26 avril 2011 2 26 /04 /avril /2011 11:27

SAM_0576.JPG

 

Ca commence comme ça, faire jouer sur leurs gonds des huisseries endormies. Ca grince, ça s’ouvre. Ca fait rentrer la lumière, l’air.
Regard autour, mesure des proportions, des abandons.
Soulever la poussière. Débusquer des insectes affolés et leurs larves.
En passant, sentir que l’on emporte aux épaules, et dans les cheveux, des restes de soies noires et complexes, qui lentement s’étaient tissées aux encoignures. Sur la laine elles resteront fidèles, d’avoir ainsi été déchirées.
Aller chercher un plumeau, long, long, long, pour mettre beaucoup de distance entre soi et les toiles à désengager. Il y en a tellement, il y en a partout. Et leurs formes, on pourrait en faire catalogue.
Il y a les à peine perceptibles pelotes de soie blanche, accrochées aux plinthes, tenaces, coriaces malgré leur délicatesse.
Il y a les grands plaids épais et suspendus en hamac entre deux poutres. Celles-là resteront : trop hautes pour être atteintes. Et on se prend, aussi, à aimer le filtre qu’elles font à la lumière venant du toit.
Il y a les récentes, les habitées, les sournoisement cachées. Celle-là on ne les dégomme pas au balai. Recours à l’arme lourde. On ouvre le placard et dès qu’ouvert on braque l’aspi dans les coins, comme dans les films américains. Parfois la locataire résiste un peu, sur ses longues pattes s’enfuit, s’accroche, avant de céder, comme nous tous un jour, à l’aspiration.
Il y a aussi ces nobles amas noirs accrochés en haut des portes, écroulés sur eux-mêmes comme des vieux astres, et faisant un bruit mou et lourd, un bruit d’oeuf gobé, quand le tube les happe.
Et puis, on croit qu’on a fini le travail, et on aperçoit encore un filament qu’un faible courant d’air fait danser. On l’attrape, on l’arrache, et vient alors sous le doigt toute une histoire planquée, plaquée. Une écriture fine et clandestine, en affleurement des murs, de tous les murs. Et de se prendre à espérer d’être lue un jour comme cela, par surprise.

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