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23 février 2009 1 23 /02 /février /2009 22:42
 

Il a l'air de se demander vraiment ce que je lui veux. Il accepte, le mot est fort, du moins il ne refuse pas que je prenne ses mains en photo, et les laisse poser pour une seconde prise, quand je lui dis que la première est floue (la seconde aussi mais je n'insiste pas). Je lui demande de m'en parler, et là il réclame d'avoir d'abord l'adresse que je lui ai promise. J'inscris sur un papier arraché, www.petiteracine.over-blog.com, il me demande où c'est. J'ai  peur un moment de trahir sa confiance.

Puis il me demande de quelle origine je suis. Je dis, française, enfin mon père est né belge. Lui vient du Mali, depuis sept mois seulement il est en France. Au Mali il a été cultivateur, mais il sourit : c'était il y a longtemps. Il travaille maintenant comme aide cuisinier dans un restaurant italien à la Madeleine. Sur sa main droite il a deux tâches noires assez grandes et une cicatrice ronde presque rose, il sourit encore quand je lui demande ce que c'est, il m'explique c'est le feu, il s'est brûlé en travaillant, il s'est brûlé à ce nouveau foyer.

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17 février 2009 2 17 /02 /février /2009 23:17


La ville me manque. Les visages me manquent. Les innombrables visages croisés chaque jour dans le métro, qui ne me sont rien et pour lesquels je ne suis rien, et qui  pourtant porteront toujours plus, donneront toujours plus que cette indifférence légitime et réciproque.

Dans le blanc de la neige tout à l'heure, il y a eu ce faon. Aventuré déjà très avant dans le monde des hommes, entre les maisons. Et curieux, en plus : il s'est rapproché de la fenêtre, a regardé au travers, nous a regardés. Nous on criait, de surprise, d'excitation, et lui nous regardait, ça a bien duré comme ça deux minutes avant qu'il se lasse. Nous mettons généralement moins longtemps à nous scruter mutuellement.

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17 février 2009 2 17 /02 /février /2009 14:20
C'est toujours quand il est tard, quand l'un des deux dort presque, que l'autre dit des choses importantes.
Dans un demi sommeil je l'entends.
"Mon grand-père avait des mains énormes, tu sais. Des mains avec des doigts tellement gros qu'il ne pouvait pas complètement les plier. C'est qu'il avait beaucoup de corne partout sur les mains. Tellement de corne que ses mains étaient insensibles, ou presque : il pouvait attraper de la braise à mains nues."
Par cette étrange équivalence des visages et des mains que je prends comme postulat (comme pari?), j'entrevois Moïse enfant portant une braise à ses lèvres, se désignant ainsi comme le proférateur futur d'une parole qui brûle. La cicatrice qui suivit, celle qui devait le dévisager, on se doute qu'elle doit être  importante dans le statut donné (refusé) à la figuration.
Le sommeil m'emporte presque, et il ajoute :
"Il avait une cicatrice. Une grosse boule qu'on aimait bien toucher quand on était mômes. C'était un éclat d'obus qui lui était entré là, qui y était encore".

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15 février 2009 7 15 /02 /février /2009 12:03
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13 février 2009 5 13 /02 /février /2009 11:26

- Ce sont des mains de travailleur. Ca fait 43 ans que je travaille.
Effectivement il a des mains qui ont l'air d'avoir beaucoup servi. Pas vieillies, mais usées un peu. La peau sèche. Et l'un des ongles est noir, hématome qu'il ne montre pas pour la photo. Je ne sais pas s'il tourne les mains paumes ouvertes pour ne pas faire voir l'ongle abîmé, ou simplement parce que c'est le mouvement naturel qui lui vient, de les donner comme ça. De tout façon je ne suis pas là, moi, pour chercher des preuves par l'image.
Son travail, c'est pneumaticien.
Il fabrique des machines qui mettent l'air en mouvement.
Je demande si ce sont ces machines qui servent à faire le transport de fonds dans les caisses des grands magasins. Me revient Paris vu par..., la séquence de Godard, et ce malentendu de deux lettres, l'une de déclaration l'autre de rupture, qui sont envoyées par pneumatique à des destinataires inversés. Je rêve un instant à la pneumatologie allemande, connaissance spéculative de l'âme dont je ne savais pas qu'elle usait les mains.

Mais non, ce n'est pas ça, lui, il fabrique des pompes pneumatiques qui servent à conditionner les yaourts. Wiki : "Les pompes pneumatiques à membranes sont utilisées pour le transfert, le dosage ou le mélange de fluides"
Son travail, c'est pneumaticien. J'ai eu envie de lui dire, moi aussi, d'une certaine façon.

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10 février 2009 2 10 /02 /février /2009 12:40

Tombée nez à nez ce matin avec cette question, débordant d'un sac poubelle, en face de mon bureau

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9 février 2009 1 09 /02 /février /2009 22:12

Je me doutais bien que les mains du matin étaient plus rétives. Portées vers leur but, vers leur utilité. Je n'avais tenté que le soir, quand les gens rentrent chez eux, que le métro est un temps de décompression, pas de mise en condition. Ce matin j'ai essayé pour voir, mais rien. Première tentative, des mains mates et trappues, d'un monsieur de presque soixante je dirais. Il n'avait rien contre mais pas d'enthousiasme non plus, et surtout pas de temps, il descendait à la prochaine station. Deuxième métro : la femme en face de moi lisait, très concentrée : règle de ne jamais interrompre une conversation. Le matin il y a beaucoup moins de disponibilité dans l'air du métro. Un peu de crispation aussi : les visages ne sont pas abstraits, ils sont fermés, tout simplement. 
La fatigue du soir est  bonne conseillère d'abandon, d'où peut débuter les rencontres.  Et en même temps : règle de ne jamais abuser de l'abandon des gens, de ne pas leur forcer la main. On peut si facilement dire oui quand on ne sait pas (plus) dire non.
J'ai repensé à notre conversation de la veille, quand les enfants étaient couchés, et qu'on se demandait pour plus tard, comme les aider à continuer d'avoir toujours un a priori de confiance dans la rencontre, sans être vulnérables. Qu'une des choses qu'il était possible de leur apprendre, c'était de savoir reconnaître, et refuser, la monnaie de singe : celle qui
rétribue à côté de l'attente, celle qui dévalorise (la vraie monnaie en euros étant bien plus souvent qu'à son tour une monnaie de singe, de ce point de vue).
Je ne suis pas allée au bout de ce qu'il y avait à penser sur cette question du don, de l'abandon, de la manière d'avoir confiance dans l'attente des autres, et de ne pas imposer la sienne propre.
Simplement, je n'ai pas pris de photo.

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7 février 2009 6 07 /02 /février /2009 21:53

        (par la face Nord)
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7 février 2009 6 07 /02 /février /2009 21:48






J'ai exploré la lune en coupant mon céleri.
Je confirme, c'est totalement inhabité.

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6 février 2009 5 06 /02 /février /2009 09:43

  Rêve. Un polyèdre complexe se présente à moi. Le nombre exact de ses faces, je l'ignore.
Il change tout le temps. Comme une cellule en phase de division accélérée, le polyèdre évolue à chaque seconde. Tout en lui est instable, en même temps qu'immuable. Sur chacune de ses faces il y a quelque chose à inscrire : un champ à renseigner. C'est un boulot fou. Je clique, j'inscris, et aussitôt une nouvelle surface lisse et avide de renseignements apparaît. Nom prénom pseudo code de connexion date de naissance profession études parcours professionnel adresse téléphone fixe mobile adresse travail nom du supérieur hiérarchique nom des enfants nom conjoint code bancaire code porte code messagerie code sécu écrivain préféré restaurant préféré nom du premier professeur nom du premier animal domestique origine ethnique antécédents médicaux casier judiciaire revenus mensuels préférences sexuelles goûts musicaux pensées actions opinion omissions amis amis amis amis amis amis amis amis amis amis amis amis amis amis amis, personne à prévenir en cas d'accident : ce polyèdre veut manger tout mon réel.
Ce que j'éprouve à l'égard de cette figure,
               
c'est l'inquiétude soucieuse de bien faire de l'élève, face au maître multipliant les consignes à plaisir,

                c'est l'empressement anxieux et exaspéré de la maman oiseau face au gosier écarlate de ses sept oisillons, sauf qu'ils sont ici indénombrables,

                 c'est l'étourdissement proche de la terreur, la grâce affolante des élus, pressés dans l'essaim des chérubins, de plus en plus nombreux, de plus en plus pressants.

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